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2022/11/05

L’anthropologue et medecin legiste est parti enqueter en Haiti, sur les traces des centaines de personnes « zombifiees » chaque annee.

L’anthropologue et medecin legiste est parti enqueter en Haiti, sur les traces des centaines de personnes « zombifiees » chaque annee.

I ls ont fait l’ouverture du Festival de Cannes avec la farce resignee de Jim Jarmusch, « The Dead Don’t Die ». Mais d’ou viennent vraiment nos zombies ? Comment se passe une « zombification » ? Points de reponses avec le medecin legiste et anthropologue Philippe Charlier, auteur d’une formidable enquete i  propos des veritables morts-vivants.

Le Point Pop : Qu’est-ce qu’un zombie ?

Philippe Charlier : en films de menchats application rencontre George Romero, le pape du genre, le zombie – cet etre depenaille mort-vivant – apparai®t comme le fantasme d’une fond contagieuse, votre peur ancestrale des belles epidemies, en peste. Or, le zombi originaire d’Haiti, c’est un individu beaucoup vivant qui, soit parce qu’il a fera du mal a J’ai societe (viol, vol, etc.), soit parce qu’il reste victime de confortables de sorcellerie, a ete enfile en etat de fond sociale. Le zombi sans -e, c’est une fond sociale, nullement biologique.

Aussi, comme ca, des zombies existent vraiment ?

Naturellement qu’ils existent vraiment. Depuis deux formes de zombis en Haiti : nos zombis rituels et les zombis criminels. Dans le premier cas, il s’agit d’un individu dangereux pour la agence. Comme la justice est ralentie via des catastrophes naturelles, Il est votre possible plus pratique et expeditif pour empecher les criminels de nuire : on se tourne par une societe secrete. Ces agences, nombreuses au pays, officient a J’ai marge en religion vaudoue. Afin qu’il n’y ait pas d’erreur judiciaire possible, le fautif est convoque sept fois pour etre mis en vais garder avant qu’on lui inflige une peine annoncee comme « pire que J’ai mort » : la zombification. En parallele de votre procedure « traditionnelle », Il est aussi une zombification qui permet de se debarrasser de quelqu’un. Une belle-mere de sa bru qu’elle n’apprecie jamais, une epouse de le mari adultere, etc. Plusieurs sorciers, les bokors, se chargent de les tuer symboliquement au cours de ceremonies tres impressionnantes.

Pour votre enquete, vous avez assiste a quelques-unes des ceremonies. Comment se deroulent-elles ?

Dans les 2 cas, le processus reste le meme. On place en chaussures de l’individu ou sur ses vetements, d’la tetrodoxine, une drogue presente chez une certaine espece de poissons, des tetraodons. Melange a des substances botaniques irritantes, votre poison va plonger la personne dans le coma quelques heures prochainement. On le poste alors dans un cercueil en lui maintenant les yeux ouverts. Ordinairement, on choisit votre cercueil vitre sur le dessus Afin de qu’elle ne perde nullement une miette de une propre fond. Car, aussi si elle est en etat de fond apparente – le c?ur bat tres lentement, la respiration est ralentie, la temperature corporelle abaissee – la personne est consciente : elle voit bien, elle entend tout, elle comprend tout. Sans mauvais jeu de mots, ainsi, selon les temoignages que j’ai pu recueillir, elle reste morte de peur. Plusieurs individus qui s’en seront sortis m’ont raconte les pelletees de terre qui cognaient dans la vitre jusqu’a l’obscurcissement complet, le noir, l’angoisse, le bruit des battements du c?ur dans le cercueil. C’est un tantinet Kill Bill…

On descend ensuite le cercueil dans le tombeau, tel au cours d’un bon enterrement ?

Mais De quelle fai§on les bokors parviennent-ils a nos maintenir dans votre etat ?

On leur donne un menu sans sel, accompagne quelquefois de barbituriques, qui va provoquer au fur et a mesure, une fai§on d’?deme cerebral qui prive completement du libre arbitre. Ces internautes seront capables uniquement d’accomplir des taches repetitives : biner 1 champ, cueillir du mais, irriguer une riziere… C’est la diminution complete des capacites intellectuelles de l’individu.

Plusieurs zombis parviennent-ils a s’echapper et a redevenir tel avant ?

Divers en reviennent. Neanmoins, avec des sequelles, des degats neuropsychiatriques, des troubles psychologiques… Cela arrive lorsqu’un zombi parvient a manger la nourriture – salee – du bokor, ou encore lorsque le bokor meurt, ou apres une catastrophe naturelle. L’un des zombis les plus connus et etudies, Clairvius Narcisse (1922-1964) a reussi a s’echapper et s’est rei§u une tres belle seconde vie. Chacune des jeunes femmes lui couraient apres Afin de voir ce que i§a faisait de coucher avec 1 zombi !

Y a-t-il des recours pour ceux – meme peu nombreux – qui s’en sortent ?

Cela reste important de preciser Indeniablement que nos deux formes de zombification seront punies par le Code penal haitien, au aussi titre qu’un assassinat. Le souci pour ceux qui s’en sortent, c’est qu’il y a eu un certificat de deces. Or, les certificats de « resuscitation », bien sur, n’existent gui?re. Me Emmanuel Jeanty, au barreau de Port-au-Prince, se bat aujourd’hui afin que la loi evolue. Il propose un certificat d’adoption par la famille d’origine, qui permettrait de reintegrer ces gens dans la societe.

Combien y a-t-il aujourd’hui de zombis en Haiti ?

A minimum pres une dizaine de milliers, mais le chiffre est vraisemblablement largement sous-evalue. Notre quotidien Le Nouvelliste evoque un cas de zombi l’ensemble des semaines ou tous les quinze semaines au sein d’ ses colonnes.

« Zombis : enquete sur les morts-vivants », de Philippe Charlier, Tallandier, 2015.« Les Zombies : notre vie au-dela de la fond », de Philippe Charlier (textes) et Richard Guerineau (dessin), Notre Petite Bedetheque Plusieurs Savoirs, 2017.

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